Marée chocolat : le cacao destructeur

Ah cette Côte d’Ivoire, toute fière de sa position incontestée de première productrice de Cacao. Oui, avec ses 40% de production du Cacao mondiale, il y a de forte chance que votre ‘quatre heure’ chocolaté ou votre tablette remontante post-rupture/post-stress/post-sport contienne du cacao ivoirien.

Plongée dans une réalité douce et amère.

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Aborder la question du cacao en Côte d’Ivoire, suscite autant de tension et d’intérêt que la politique ou les éléphants (vivement une qualification !). Autant dire que c’est une affaire d’État. En effet, chaque ivoirien peut se prévaloir d’une relation dans la superstructure cacaoyère : « Mon cousin connaît untel qui connait untel qui est au Café-Cacao« . Pas étonnant alors que le secteur génère pas moins de 2/3 des emplois directes ou indirectes.

Mais voilà, si dans l’ADN de l’ivoirien, l’or marron représente 15% du PIB – nonobstant les mois de difficulté qu’à connu le secteur – la réelle question est la suivante : pour combien de temps encore ? Quid de la capacité du pays à se maintenir au premier rang dans la décennie à venir ?

L’impossible « ca va aller » :

Un léger balayage de la production scientifique à cet égard donne le ton : impossible. En réalité, le modèle agro-industriel ivoirien du Cacao, non pérenne à ses débuts, à tout de même profiter (lire ‘abuser’) de la gracieuseté du sol, pour aujourd’hui atteindre ses limites incontestables. L’expansion du Cacao se fera au détriment des ivoiriens et de la sous-région par le dérèglement climatique qu’il engendre. Pour faire simple, l’environnement c’est comme un château de cartes. Si quelques unes peuvent être retirées sans que la structure toute entière s’écroule, une fois les fondations touchées, la chute est imminente. Pour preuves, les récentes sécheresses, inondations, glissements de terrains, dérèglements saisonniers type « il n’y a pas de banane cette année ou le manioc est sorti en retard ou les mangues sont rares » etc. (voir : https://www.youtube.com/watch?v=T3QPdVoJKiE).

Pas étonnant alors, qu’ayant sacrifié sa forêt luxuriante et sa biodiversité pour la superproduction du cacao, la Côte d’Ivoire, enregistre un taux de déforestation deux fois plus élevés que le reste de la région. Notons que le produit de cette amputation du territoire à non seulement précipiter le pays dans des échanges inégaux, laissant à nos petits producteurs, petits travailleurs, enfants travailleurs que le goût amer du cacao. Mais à aussi fortement dégradé notre sol. Le laissant acide, pauvre et exsangue.

Cacao-culture irresponsable 

Surexploité, mal entretenu, intoxiqué par les pesticides, le sol ivoirien ne répond plus. Une fois le sols dégradés, les maladies se diffusent et pour contrer cela l’usage du pesticide bon marché et non contrôlé se généralise. La situation expédie alors les producteurs dans un cercle vicieux dans lequel les causes-conséquences-solutions s’entremêlent et exaspèrent le tout. Les arbres-utiles passés à la tronçonneuse, les rapports homme-nature devenus conflictuels, la violence du néo-langage compte des mots comme : défrichage, abattage, élagage, esclavage … terre mise en gage.

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Dès l’indépendance, des lieux jusque-là vierge ont été investi à des fins de production cacaoyère. De l’ancienne boucle du Cacao à l’Est du pays, c’est avec machettes, pesticides et autorisations gouvernementales à la main que les producteurs, villageois, immigrants se sont abattus sur les forêts fertiles du Sud-Ouest.

Sans remettre en cause la culture du cacao, à la base du miracle ivoirien, c’est sa stratégie qui est ici questionnée. En effet, la Côte d’Ivoire à fait le choix de la faciliter, le choix de coloniser toujours plus d’espaces forestier pour augmenter sa production plutôt que d’améliorer son rendements sur les superficies actuelles. D’Est en Ouest, horizontalement, plutôt qu’amélioration, verticalement. (Soliloque: cette précipitation sur la terre est au coeur même du problème ivoirien, de par la crise du foncier rurale, les conflits entre autochtones et allochtones, la corruption).

« la pression des multinationales a fait prendre conscience au gouvernement du danger qu’il courre » Cirad

Les révélations scandaleuses concernant le travail des enfants, la déforestation, ainsi que la prise de conscience subséquente des consommateurs occidentaux, ont contraint les multinationales du Cacao (Cargill, Barry Callebaut, ADM et les Kraft, Nestlé et Ferrero de ce monde) d’adopter des pratiques plus responsables. Ces dernières à leurs tours, ont mis le gouvernement ivoirien face à ses propres responsabilités vis-à-vis de sa population et son environnement.

Le gouvernement est donc pris dans l’étau. Les récentes crises sociales témoignant de la dépendance à un marché du cacao stable d’un côté, et l’exigence grandissante d’une production responsable et durable du cacao de l’autre. Entre durabilité et rentabilité. Et si nous réconciliants les deux, car la réalité brutale du capitalisme veut que si le sol ivoirien excédé n’est plus productif, les multinationales auront vite fait de plier bagages pour s’établir sous des cieux plus fertiles.

Action – Solutions avérées :

Il est aujourd’hui impératif de non seulement tirer profit du champ d’expertise qui c’est développé autour de l’agriculture régénératrice, mais aussi revaloriser les connaissances empiriques locales.

Malgré l’irréversibilité de la situation, agir maintenant de façon transversale permettra  : a) la restauration d’un certains équilibre pour les lieux de production; b) le maintient de la résilience écologique des territoires peu touchés; c) la conservation des milieux protégés et d) l’amélioration du cacao produit tout en assurant la sécurité alimentaire. Alors, qu’est-ce qu’on fait ?

Des solutions en cours et/ou a envisagées en trois point non exhaustifs :

  1. Remplacer le cacao de plantation par le shade-grown cocoa (cacao de l’ombre) :     Les connaisseurs nomment le cacao « l’arbre de l’ombre » a raison. C’est dans cet environnement tamisé et frais que les conditions de croissance sont optimales. En effet, la forêt agissant comme protecteur des sols permet le maintien ou le rétablissement de l’équilibre fertile pluie-forêt-sol. Par ailleurs, en conservant ou rétablissant la qualité des sols, cette approche permet le maintien de la biodiversité, mais aussi l’amélioration du rendement et de la qualité du Cacao. Il s’agit ici d’opérer une transition : De l’agro-industrie à l’agro-foresterie. 
  2. Les cultures vivrières : L’Afrique détient 1/4 des terres agricoles planétaire mais son apport à la production mondiale reste modeste et ses populations sont décimées par la famine. Le sacrifice des cultures vivrières permettant la suffisance alimentaire pour des monocultures d’exportations (cacao, café), a précipité les petits agriculteurs dans une précarité inédite. En effet, ces derniers utilisent dès lors le peu de revenu qu’ils perçoivent non plus pour scolariser leurs enfants ou améliorer leurs conditions de vie, mais pour acheter des fruits et légumes qu’ils cultivaient autrefois. En adoptant des pratiques holistiques tel que, l’agrosylvopasteralisme, l’insécurité alimentaire auquel font face les petits agriculteurs et leurs familles s’amoindrit tout en leurs assurant une source de revenu stable.
  3. Acheter, c’est voter : Les chiffres de ces dernières années démontrent une hausse soutenue de la demande. Toujours plus de cacao, toujours plus de chocolat … Consommateurs du Nord soutenez l’environnement en achetant du chocolat BIO et équitable (!). Appuyez aussi les initiatives locales ( ECOYA, Kuapa Kokoo, etc) pour encourager les solutions innovatrices des acteurs principaux.

 

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Source : MAAP (Pérou)

In fine, la Côte d’Ivoire a gros à perdre si elle continue cette politique de l’autruche en matière environnementale.Si rien n’est fait, pas si sûr que la terre éburnéenne puisse se targuer encore longtemps de sa place de première.

Chaque année la Côte d’Ivoire produit en moyenne 1,3 millions de tonnes de Cacao, répondant à plus de 40% de la l’offre mondiale, mais l’absence de pratique durable lui font perdre environ 230 millions, et des millions d’hectares de forêts. En tant que premier producteur, la Côte d’Ivoire a un levier inexploité, en terme de pouvoir de négociation. Il revient à nos dirigeants d’en faire bon usage.

« Aujourd’hui la Côte d’Ivoire peine à répondre à la demande, à la fois quantitativement et qualitativement » Mélanie Bayo (CEFCA)

 

Marlyatou
Sources :
https://www.panafricanvisions.com/2014/land-grabbing-africa-new-colonialism/
http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2014/10/20/97001-20141020FILWWW00356-cote-d-ivoire-34-de-la-foret-disparus.php
http://www.novethic.fr/empreinte-sociale/conditions-de-travail/isr-rse/cote-d-ivoire-le-defi-du-cacao-122005.html
http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMTendanceStatPays?langue=fr&codePays=CIV&codeStat=RSA.FAO.CocoaBeans&codeStat2=x

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