Elles sont diplômées des universités occidentales, ont des opportunités d’emploi dans les plus grandes capitales, mais c’est dans leurs pays natales qu’elles décident de déposer leurs valises. Fini le rêve européen ou américain, le “african dream” attire de plus en plus de jeunes attirés par les économies fleurissantes et la douceur des villes africaines. D’Abidjan, à Cotonou, en passant par Dakar et Nouakchott, les portraits que nous partagerons retracent la trajectoire des repats (diminutif de repatrier, par opposition a expatriés).
Aissata Lam est l’exemple parfait d’une afropolitaine. Née en Mauritanie, grandit en Côte d’Ivoire où elle s’installe avec sa famille avant d’aller passer le baccalauréat en France, et poursuivre ses études entre le Canada et les États-Unis. Ce riche parcours fait d’elle une Third culture Kid, comme elle aime à se définir, se distançant des singularités et divisions entre l’ici et là-bas, entre le traditionnel et le moderne. Elle conjugue les identités, complexes et multiples, sans cohérences entre le pays de naissance, le pays d’origine, le pays de résidence, le pays de nationalité et le pays d’adoption. “Je me sens locale à la fois en Mauritanie bien entendu, mais aussi en France, à Montréal, à Abidjan. L’expression Home is where the heart is prend tout son sens pour moi. Je me sens local Presque partout où je vais. Sans barrières ni frontières.”
Frantz Fanon disait aux générations africaines : Chaque génération doit dans sa relative opacité, découvrir sa mission, la remplir ou la trahir. Au-delà des questions d’identités donc, c’est à cet appel, à ce sentiment fort et indomptable, celui de devoir poser sa pierre à l’édifice, de contribuer au développement et à l’autonomisation des sociétés africaines que Aissata a répondu. C’est dans son pays d’origine, là où elle n’a que peu vécu et pour lequel elle a de belles ambitions qu’elle décide de poser bagages.
Après son baccalauréat obtenu en France, elle poursuit ses études supérieures à HEC Montréal où elle gradue d’un Bachelor en Finance corporative et affaires internationales.
Son engagement académique l’emmène à participer aux compétitions interuniversitaires internationales, aux jeux du commerce et simulations dont elle termine inévitablement finaliste. Ces multiples activités ainsi que son introduction à la jeune chambre de commerce de Montréal font germer l’idée d’une plateforme offrant des opportunités similaires aux jeunes Mauritaniens.
Élève remarquable, Aissata obtient son diplôme et rentre tout de suite sur le marché du travail montréalais. Elle s’implique avec le bureau de l’Unicef à Montréal, encore étudiante, et y continue quelques temps après les études avant de travailler comme underwriter (analyste de risque) pour une compagnie Américaine de services financiers et assurance, Liberty Mutual.. C’est alors que, toujours en poste, mais avec l’aide de sa sœur, Aissata se lance dans une aventure de réflexion, de rencontres, de rédaction de plan d’affaire, dont l’issu nous ai aujourd’hui connut. Un an et demi plus tard, en dépit de tous les obstacles, celle qui était pourtant perçue comme ‘pas assez Mauritanienne’ (celle qui se trouve à l’intersection du genre et de la couleur ‘femme et noire’) lance avec ses collègues qu’elle considère aujourd’hui comme sa deuxième famille, la Jeune Chambre de Commerce de Mauritanie, une des structures les plus prometteuses du pays.
Mes années d’expérience à Montréal ont été fructueuses en terme d’expérience et d’apprentissage. Mais j’avais l’impression de ne pas contribuer à grand-chose dans ce monde. J’ai donc pris la décision de m’impliquer dans quelque chose qui ferait une différence, qui contribuerait véritablement au développement de mon pays. La jeunesse est la pierre angulaire de ce développement, étant une force créatrice et innovatrice. Les perspectives d’espoir et de changement transitent par l’entreprenariat des jeunes. Et pourtant, les taux de chômage élevé frappent la jeunesse dans le monde et en particulier en Afrique subsaharienne. C’est un drame puisque cette jeunesse est versatile, pouvant être à la fois source d’opportunités et bombe à retardement.
Mais Aissata ne s’arrête donc jamais ou plutôt elle personnifie le ‘ nul n’est impossible’. Prochaine étape : la très prestigieuse université Harvard où elle décide de poursuivre sa Maîtrise en Finance, avec un mémoire faisant échos à sa présidence de la JCC de Mauritanie (Micro-financement et le financement des PME). Durant sa rédaction elle est emmenée à faire du terrain en Mauritanie. C’est par ces allées et venues, lui permettant de s’imprégner du local, de se faire des contacts, de s’y construire une histoire et de ‘ briser la glace’ comme elle le dit, que son processus de retour se concrétise progressivement.
Je voulais rentrer en Afrique et préférablement à Nouakchott pour continuer notre projet de la Jeune Chambre de Commerce Mauritanienne.
Le retour, elle l’a voulu. En effet, même si ici (là-bas) ce ne sont pas les opportunités qui tarissaient, ce sentiment pressant, l’appel de la terre ne la lâche pas. Aissata postule dans la foulée à la FAO. Tout va très vite.
Lors du vol ‘retour’ elle nous dit avoir été animé de confiance et d’excitation. En même temps, privilège ou damnation des enfants de la third world culture, rien n’est définitif ; c’est sans doute ce qui facilite le retour, qui n’est plus perçu/vécu comme un emprisonnement, mais une fenêtre d’opportunité.
Le choix du retour : le champ infini des possibles
Son choix du retour n’était pas définitif. Il ne le sera certainement jamais puisque Aissata reste une nomade. Mais deux ans, Aissata nous parle d’un cercle vertueux qui se crée en Mauritanie, où la jeunesse consciencieuse se dresse et rêve pour elle. La JCC de Mauritanie est aujourd’hui reconnue pour son apport à l’économie et l’innovation du pays.
C’est une Plateforme de jeune professionnels et entrepreneurs. Ils organisent des activités pour les stimuler et les aider à cheminer dans leurs carrières. Le tout est de mettre des outils à leur disposition car cheminer tout seul dans le monde de l’entreprenariat ou dans la carrière professionnelle est chemin de longue haleine. Plusieurs types d’activités et d’événement sont proposés : Il y a des 5 à 7, des formations, des activités pour mettre en relation les membres avec des gens de l’industrie.
Dans la foulée de leurs initiatives, Aissata et ses collègues créent la cérémonie ‘Mauritaniennes d’exception’. Une initiative qui souhaite rétablir le juste mérite des femmes mauritaniennes, au-delà des perceptions. Globalement perçues comme inactive, femme au foyer, soumise. Pourtant, elle fait l’expérience tous les jours, dans son travail, sur le terrain, de leur force et leur contribution indispensable au bien-être commun. Que soit dans l’agriculture, l’entreprenariat social, l’éducation, les femmes mauritaniennes sont présentes. Elles travaillent trop souvent dans l’ombre, souvent oubliées, parfois opprimées et très peu célébrées. Force invisible dans un pays qui fait rarement les manchettes et qui pourtant a tant à offrir par sa culture riche et métissée.
En plus de gérer son organisme, la JCCM, Aissata travaille à la FAO sur des projets de lutte contre la pauvreté, liés à l’agriculture et l’alimentation. Je m’occupe de la thématique de l’Inclusion financière (Microfinance et Protection Sociale), on est souvent sur le terrain, dans des settings ruraux. C’est là que se trouvent les bénéficiaires des projets. Il s’agit de créer des écosystèmes financiers pour rapprocher les communautés vulnérables, qui n’ont pas accès aux banques ou institutions financières formelles ;des exemples d’innovation dans ce secteur est le warrantage, un mécanisme pour pallier aux fluctuations du marché local en période de soudure ;tenant en compte la volatilité du calendrier agricole et de la saison des pluie. Cela permet de limiter les effets de la sécheresse et d’exercer des activités source de revenue et de stabilité pour les familles.
Ses journées-type, débutent très tôt immanquablement par une prière, l’écoute de Bossa Nova, et sont rythmées par la dégustation de cafés (grande amatrice de café). Puis le boulot, où l’environnement varie selon qu’elle se trouve sur le terrain ou au bureau.
Un style de vie des plus agréables
Le choix du retour n’est pas simplement motivé par des raisons économiques. Le retour chez soi signifie aussi l’accès à un certain confort. Pour Aissata s’est l’occasion de renouer avec une vie simple et agréable, où l’amour du continent rythme chacune de ses activités. Tenante d’une Afrique unie et sans frontières, elle part à l’aventure, à la découverte des trésors du continent, du Sénégal à l’Éthiopie.
Des virées dans le désert, des road trip à Dakar, des brunchs à la place tous les dimanches avec ses amies, Nouakchott rempli la jeune femme d’un étrange sentiment de liberté. Paradoxale, diraient certains, quitter l’occident pour trouver la liberté en Mauritanie, pays musulman et dit traditionnaliste. À cette prétention, Aissata répondrait que c’est cette liberté qui lui plaît, celle de faire des projets qui comptent, de pouvoir faire la différence, tout en profitant des bonheurs de la vie. Les longues heures de travail de 9 à 9h, elle l’a connu, pour avoir travaillé en finance corporative. Son choix est fait. Celui de pouvoir visiter Saint-Louis en lisant Senghor, organiser des événements avec les jeunes de chez elles et aller sur le terrain.
Aficionado de Jacques Brel, connaisseuse de peinture et de photographie, elle accorde une importance toute particulière à l’esthétisme au-delà des canons et conventions. Ses photographies, son style vestimentaire, son goût de la littérature, son épicurisme sont autant de signes de la diversité qu’elle porte en elle et de la soif de découverte qui l’anime.
Au départ, Nouakchott est très réticente à la diversité nous dit Aissata. Le sentiment d’isolement est donc un des plus fort dans les premiers mois. Mais petit à petit on fait de belles découvertes, de belles amitiés. Il faut garder l’esprit ouvert et se faire des amis, souvent des repats également, qui partagent les mêmes expériences. Il ne s’agit pas de se distancer de la société mauritanienne ! Bien au contraire, si nous sommes rentrés c’est pour se faire accepter comme étant d’ici, malgré nos parcours différents. C’est aussi pour participer du mieux qu’on peut à notre société, celle pour qui nous vibrons tellement. Nous adoptons ce que j’appelle la Coping Strategy. Mon mental health est important et si je veux être heureuse à Nouakchott il faut que je sois dans un environnement ou je m’épanouis. Et s’il le faut et si je le veux, je m’enferme chez moi, à écouter Jacques Brel tout le weekend.
2 ans après : le reality check
À part aller flâner à la librairie et chercher des anciennetés dans les magasins vintages, il ne me manque rien, ironise Aissata. Motivée par les défis qu’offre la ville de Nouakchott. Il se crée un cercle vertueux dans le pays où les jeunes locaux ou repats s’encouragent à faire plus, à faire mieux. Dans quelques années, avec beaucoup d’effort et des convictions, il n’y aura plus autant de barrières à s’y installer.
Le retour est une expérience à vivre pleinement avec toutes ses imperfections ! Vous réaliserez que l’expérience humaine vaut le détour ☺. C’est certain que tout n’est pas rose, tout le temps. Je me retrouve souvent très en colère face à certaines situations auxquelles je ne suis pas habituée, mais j’essaie de toujours prendre du recul. La circulation, des règles de conduite de base, faire la queue. Bref, des principes de citoyenneté qui m’ont été inculqués très jeune, et qui s’imprègnent comme référence. Il faut simplement se rendre compte qu’il existe différents référentiels, ne pas juger, prendre du recul et avancer.
En définitif, l’Afrique je la vois, sans frontière, acoustique et belle. Notre slogan à la jeune Chambre c’est ‘Osez vous propulser’ ! Je pense que l’Afrique est sur un trampoline et que si elle met la force nécessaire…sky is the limit.
Elles sont diplômées des universités occidentales, ont des opportunités d’emploi dans les plus grandes capitales, mais c’est dans leurs pays natales qu’elles décident de déposer leurs valises. Fini le rêve européen ou américain, le “african dream” attire de plus en plus de jeunes attirés par les économies fleurissantes et la douceur des villes africaines. D’Abidjan, à Cotonou, en passant par Dakar et Nouakchott, les portraits que nous partagerons retracent la trajectoire des repats (diminutif de repatrier, par opposition a expatriés).
Née à Abidjan, dans le quartier de Marcory, Maria Chalhoub, 25 ans nous partage son parcours de retour dans sa ville natale. Cette jeune femme fait sa scolarité entre le Lycée Jean Mermoz et le Liban où nombre d’ivoiriens ont dû partir durant les années de crises. Malgré son identité multiple : libanaise par son origine familiale, ivoirienne de naissance et de cœur, et française par sa culture et son éducation, Maria est une locale d’Abidjan. C’est là qu’elle se sent le plus chez elle et où elle a décidé d’entreprendre tous ses projets. Issue d’une famille très ancrée en Côte d’Ivoire, il n’a jamais été question pour Maria de quitter Abidjan hormis pour poursuivre son cheminement académique.
Diplômée des Jésuites au Liban en sciences économiques puis d’un double master en Management entre l’ESCP Europe et l’École supérieure des affaires à Beyrouth, Maria est promise à une brillante carrière. Les opportunités d’emploi à Dubai et à Paris ouvraient une voie bien tracée dans ce sens. Pourtant, six mois après sa graduation, c’est à Abidjan, dans le quartier des affaires qu’elle pose ses bagages. Bien avant son retour, c’est en créant Les incorrigibles optimistes, une entreprise d’évènementiel et de communication, que Maria entrevoit la nécessité de diffuser une vision alternative de son pays et de l’Afrique. Loin de s’intéresser à la niche convoitée, les bobos et les chocos, c’est à dire les expatriés et la classe supérieure, Les incorrigibles s’intéressent aux ivoiriens dans leur entièreté. Il s’agit de l’humour populaire, les expressions, les blagues, les symboles, les anecdotes qu’on peut entendre près des garbadromes, allocodromes et maquis. Bref, l’art accessible à tous, loin des galeries froide et aseptisée. “La création artistique doit être démocratiser en Côte d’Ivoire, de sorte que les ivoiriens se rendent compte de leur potentiel de créativité. C’est un peuple très riche en culture locales et urbaine. Le nouchi aujourd’hui dépasse les frontières ivoiriennes, et c’est notre identité en elle-même qui est créative et éclatée. Elle dépasse le folklore et de l’essentialisme diffusé par les médias internationaux.” Nous dit Maria.
Les Incorrigibles font des événements et aussi des cartes postales. Une ligne de papeterie est en cours et est quant à elle vouée à l’international. Exporter l’humour ivoirien au delà des frontières africaines ; Comme une manière de montrer la joie et la personnalité des ivoiriens. Comme un petit souvenir d’ici a emmener la bas.
Le choix du retour : Le champ infini du possible?
En juillet prochain, Maria ouvre une franchise de cafés – chocolaterie à Abidjan, dans les quartiers très fréquentés de la Riviera et Marcory. La première du genre dans le pays pourtant premier exportateur de cacao. En effet, c’est par la Côte d’Ivoire que la multinationale DIPNDIP souhaite débuter sa conquête du marché africain sub-saharien. À 25 ans, Maria se trouve alors propulsée à gérer cette franchise, tout en travaillant dans l’entreprise familiale en assurance et en développant les activités des Incorrigibles. La restauration est un domaine qui m’intéresse beaucoup et ce concept est particulièrement intéressant car il n’y a que peu de « sucré » à Abidjan. Plusieurs pâtisseries fines fleurissent, offrant mets succulents et ambiances intéressantes. Les concepts de déco et design sont de plus en plus diversifiés et l’esthétique prend depuis une place de choix chez le consommateur ivoirien.
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“La Côte d’Ivoire est entrée dans un cycle positif, où tout le monde s’encourage vers la rigueur et le raffinement, où tout le monde tend à faire de belle choses et à tirer le pays vers le haut. Le pays est un diamant brut, qui est à nous, et il nous appartient à tous, ivoiriens de l’étranger et ivoiriens d’ici, de le tailler. Tout son potentiel est devant nous et nous devons travailler pour le développer. Maintenant c’est ici que le monde se tourne, pour plusieurs raisons : pour ses richesses, son marché encore vierge et ses habitants solidaires et accueillants.”
Un style de vie des plus agréable
Les activités ne manquent pas : activités sportives et plein air, expositions, galeries et événements culturelles. Sans parler de la vie nocturne abidjanaise qui est reconnue mondialement. «
Le choix du retour n’est pas simplement motivé par des raisons économiques. Le retour chez soi signifie aussi l’accès à un certain confort. Le pays bouillonne d’activités et d’événements de tous genre. Les embouteillages c’est le quotidien et la ville est très grande. Alors il est très difficile de se transporter en journée et en semaine. Par contre à partir de jeudi la ville se transforme. Les activités ne manquent pas : activités sportives et plein air, expositions, galeries et événements culturelle. Sans parler de la vie nocturne abidjanaise qui est reconnue mondialement. Il y a aussi Assinie, la plage, la capacité de déconnecter du rythme un peu effréné de la ville et d’admirer les belles plages que nous offre la côte ivoirienne. Nous essayons d’y aller moins souvent pour mieux profiter de ce que la ville a à nous offrir. Bien que les activités économiques soient concentrées à Abidjan, de plus en plus de jeunes vont à la découverte de l’intérieur du pays.
À l’intérieur du pays, San Pédro, Monogaga offre de magnifiques plage, Bouaké, Les alentours du fleuve N’ZI, Khorogo ou même Ferkéssedougou sont des endroits à explorer. De plus en plus de concepts intéressants comme l’éco-ferme ouvrent également, l’agriculture bio est un privilège ailleurs mais c’est monnaie courante en Côte d’Ivoire.”

3 ans après le retour : le reality check
Maria dit ne rien regretter de sa vie parisienne. L’environnement stimulant et le foisonnement cultuel et économique d’Abidjan comblent les plus sceptiques. Motivés par ces transformations auxquelles elles souhaitent apporter leurs pierres, les repats se lancent dans l’entreprenariat. Véritable levier d’un développement durable et local. Pourtant, se lancer dans l’entreprenariat est un chemin semé d’embuches en Côte d’Ivoire. L’inaccessibilité des informations de base se dresse en véritable frein. Les freins de l’entreprenariat, Maria en a pris connaissance:” Sans conteste, la lourdeur du système administratif. Il y a une institution qui s’appelle le CEPICI, centrale pour avoir toutes les informations pour l’ouverture de son entreprise mais ce n’est pas suffisant. Il n’y a pas assez d’incubateur et d’accompagnement dans la création de son entreprise. C’est encore désorganiser et on déploie beaucoup d’effort à obtenir de simples papiers, et informations. Les sites institutionnels passent progressivement au numérique mais il reste très difficile d’obtenir des détails sur internet : à qui s’adresser, ou aller, comment procéder.”

L’Afrique est un diamant brute, et c’est a nous, Ivoirien de l’étranger et Ivoirien d’ici, tous ensemble, de le tailler”
C’est le nouveaux monde pour les richesses, pour ses opportunités, pour ses habitants
Quant à l’Afrique en trois mots, Maria l’a décrit comme étant généreuse, optimiste, et réelle.
Elles sont diplomées des universités occidentales, ont des opportunités d’emploi dans les plus grandes capitales, mais c’est dans leurs pays natales qu’elles décident de déposer leurs valises. Fini le rêve américain ou européen, le « african dream » attire de plus en plus de jeunes, alléchés par les économies fleurissantes et la douceur des villes africaines. Des États-Unis, du Canada, de l’Angleterre, de la France à Abidjan, Nouakchott et Dakar les portraits que nous partagerons retracent la trajectoire de jeunes repats (diminutif de repatrier, par opposition à expatrier).
Le premier portrait de la série est celui de Fabienne Dervain, entrepreneur et gérante de Couleur Café à Abidjan.
Née à Abidjan d’une fratrie de trois filles, c’est à l’âge de 13 ans que Fabienne quitte le pays. Les troubles politiques que connaissent la Côte d’Ivoire durant les années 2000 poussent de nombreuses familles à l’exil. C’est donc en France que Fabienne poursuit sa scolarité. Sans jamais couper le « cordon », la jeune femme conserve des liens forts avec son pays natal où elle retourne à chaque fois que l’occasion s’y prêtait.
Après son Bachelor of Arts in International Business à l’Université Américaine de Paris (AUP), Fabienne poursuit son cheminement académique par un Master of Science in International Management à King’s College à Londres.
Le cheminement sans faute de Fabienne lui a ouvert de nombreuses portes dans le milieu des affaires européens. Pourtant, dès l’obtention de son Master, la décision du retour au pays se concrétise. « Cela a toujours été une évidence que je rentrerai à Abidjan donc il n’y a pas eu de processus de décision. Non seulement rentrer au pays a toujours été une évidence mais en plus de ça j’avais une opportunité en or qui se présentait à moi. En effet, quelques mois avant de décrocher mon Master ma mère a dû fermer son coffee shop Couleur Café en raison de la crise post-électorale. Ayant vécue une bonne partie de ma vie en France et en Angleterre où les coffee shops ouvrent tous les jours de manière exponentielle, rouvrir et développer ce concept avait un réel potentiel, surtout à Abidjan. »
Rentrer au pays, ouvrir son entreprise de café, tel était le défi de Fabienne, à peine âgée de 24 ans à ce moment. Il faut dire que le marché ivoirien connait une croissance importante depuis la fin de la crise. Le Café est un symbole fort de l’économie ivoirienne, puisque le pays est classé 4e producteur mondial. Malgré cette forte production, le café est dédié à l’exportation, vers des destinations européennes et américaines. Les coffee shop pullulent dans toutes grandes villes, où le café devient un art aussi convoité que le vin.
Le café devient un produit mondial – la chaine de transformation est globalisée. Il est récolté localement puis exporté pour torréfaction et emballage. La trajectoire du café, récolté en Côte d’Ivoire et exporté puis transformé à l’étranger est une barrière au développement et à l’autonomisation de l’économie ivoirienne. Les termes de l’échange lui sont défavorable, affectant particulièrement les petits producteurs et les consommateurs locaux.
Fabienne fait partie de ces entrepreneur(e)s qui transforment la trajectoire du café ivoirien, pour la tourner vers un marché local. Si au début de son entreprise, elle retournait régulièrement en France et en Angleterre pour rencontrer ses fournisseurs, aujourd’hui sa démarche « made in Cote d’Ivoire » l’emmène à se fournir essentiellement de produits ivoiriens (ou Africains) dans la mesure du possible.
Couleur Café c’est également l’ambition de se réapproprier un produit qui fait la réputation de la Côte d’Ivoire internationalement mais qui est encore méconnue localement. Transformer les dynamiques de production, de vente et de consommation du café pour que la Côte d’Ivoire et l’Afrique en générale ne soient pas simplement la main d’œuvre de l’Occident. Il s’agit de valoriser les consommateurs locaux, leur donner le goût des produits cultivés sur place, et d’en tirer localement profit. C’est également une manière de s’assurer de la qualité du produit, la variété du café et son mélange tout en garantissant un prix plus abordable pour les consommateurs.
Chef d’entreprise à 27 ans, Fabienne ne connait pas de journée type (9 à 5). Travailleuse autonome, la jeune femme décide de ses propres horaires. Cette flexibilité ne rime pas pour autant avec tranquillité. Fabienne enchaine les meetings, les rencontres avec les clients et les correspondances avec les fournisseurs, partenaires et journalistes. C’est un pari gagné pour Fabienne. En tant qu’unique Coffee Shop d’Abidjan, elle fidélise une clientèle diverse et répond à de véritables demandes. Celles et ceux, qui comme elle, sont habitué(e)s à prendre leurs café to go entre deux rendez-vous ou en allant au boulot. Ou encore les curieux qui viennent animer leurs sens et s’initier les papilles dans une ambiance branchée de la capitale.
Le leitmotiv de Fabienne est la fameuse citation de Maya Angelou
« Les gens oublieront ce que vous avez dit, ils oublieront ce que vous avez fait, mais n’oublieront jamais ce que vous leur avez fait ressentir » Maya Angelou
C’est une philosophie qui transparait à Couleur Café. En effet, c’est aussi un point de rencontre culturel et artistique. Poètes, chanteurs, compositeurs, photographes, mélomanes, passionnés d’art et de culture s’y retrouvent pour partager cet espace chaleureux et convivial.
« Abidjan se réveille ! Il n’y a pas une semaine sans qu’un évènement culturel ou une conférence ne se déroule ici. Je considère que j’ai de la chance de vivre à Abidjan, véritable ville dynamique et cosmopolite ! Je n’ai aucun regret ! Il est certain qu’entreprendre en étant une jeune femme n’est pas chose facile surtout en Afrique car nous sommes encore victimes assez souvent de discriminations et stéréotypes. »
Pionnière dans ce domaine, Fabienne et Couleur Café sont devenus des incontournable d’Abidjan. Sans nul doute, le retour au pays a été fructueux pour la jeune femme, et, c’est en ces mots qu’elle incite les jeunes ivoirien(ne)s de l’extérieur à rentrer au pays : « Rentrer chez vous, on n’est jamais mieux que chez soi et on a besoin de vous. »
A part la connexion internet stable, il n’y a rien de sa vie parisienne ou londonienne qui lui manque, ironise-t-elle.
« Ce n’est un secret pour personne que L’Afrique c’est le présent. D’ailleurs, le nombre croissant des multinationales qui s’installent en Afrique en témoigne… Si je devais décrire l’Afrique en 3 mots, je dirais Fragilité, Espoir et potentiel. »
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