François Mattei se présente en visiteur-interlocuteur quasi exclusif de l’ex président ivoirien détenu à la Cour pénale internationale de La Haye. Il s’érige ainsi en témoin « auditif » privilégié des dessous des relations particulières entretenues entre le régime ivoirien de Laurent Gbagbo et le cœur élyséen du pouvoir français.
Cependant, en nous rapportant les propos de Laurent Gbagbo, l’auteur nous indique de son propre aveu, relater des conversations issues de son « seul souvenir » comme pour désengager la responsabilité des propos de son interlocuteur Laurent Gbagbo. Laurent Gbagbo n’est donc ni auteur, ni co-auteur du livre « Pour la vérité et la justice », même si le choix de police de caractère utilisé sur la 1ère de couverture tend à faire croire le contraire aux lecteurs les moins avisés. De Jacques Chirac, à Nicolas Sarkozy, il nous fait le récit des relations « peu cordiales » que ces derniers entretenaient avec le président ivoirien au travers d’anecdotes croustillantes. Comme lorsque le président Jacques Chirac lui reprocha d’avoir traité les rebelles ivoiriens de « Terroristes » au lendemain des attaques meurtrières du 19 septembre 2002 ou Nicolas Sarkozy lui lançant un ultimatum depuis Bruxelles de quitter le pouvoir.
Ce livre balaie l’histoire politique ivoirienne passée et récente dans son ensemble, partant de l’indépendance au règne d’Houphouët-Boigny, jusqu’à l’arrivée de Laurent Gbagbo au pouvoir et enfin la décennie de crise ivoirienne. Se faisant, l’auteur nous raconte aussi l’illusion d’indépendance dans laquelle est toujours plongée la majeure partie des pays africains francophones ayant acquis l’indépendance en 1960.
François Mattei se fait critique du système monétaire africain et de sa monnaie commune ; le Franc CFA, considérée comme vassal du système monétaire français et par ricochet du système monétaire européen. Il nous décrit aussi les 3 ingrédients de la recette « Françafrique » (qu’il désigne comme étant un système de conservation de la dépendance des pays africains vis-à-vis de l’ex empire colonial français) : – Un président aux ordres « Choisi » par l’Elysée – La présence d’un contingent militaire français sur un territoire indépendant (environ 12 contingents militaires actuellement déployés en Afrique) – Une monnaie gérée par la Banque de France. Parlant de la décennie de crise ivoirienne qui s’est soldée par une crise électorale sanglante sans nom, l’auteur porte une charge virulente contre l’actuel président Alassane Ouattara et les ex-chefs de guerre de la rébellion. Accusant ces derniers, de crimes contre l’humanité restés impunis, passés sous silence dans un contexte de « justice des vainqueurs » et jetés aux oubliettes de la justice et de l’opinion internationale.
Ce livre accuse les médias occidentaux, en particulier français, de falsification de l’histoire du conflit ivoirien. Dénonçant au passage le discours convenu des différents partis politiques français à l’exception rare de quelques uns quand il s’agit des affaires africaines.
Dans ce livre, l’auteur critique la gestion diplomatique de la crise ivoirienne par la France et le choix de l’option militaire par cette dernière dans le différend électoral opposant Gbagbo à Ouattara. Ce livre se veut aussi être pourfendeur sur une dizaine de pages de la crédibilité du récit fait par Jean-Christophe Notin, l’auteur du livre « le crocodile et le scorpion ». Il s’attaque aussi à l’indépendance de l’auteur qu’il qualifie « d’historiographe officieux » de la république à la solde du cœur élyséen du pouvoir français. Cet auteur qui n’a pas hésité à alléguer que du « viagra » censé appartenir à Laurent Gbagbo et de « l’héroïne brune » censée appartenir à Simone Gbagbo avaient été retrouvés durant la fouille de la résidence présidentielle.
Égratignant au passage le pouvoir gabonais quand François Mattei, qualifie l’actuel président Ali Bongo, de « président choisi » par L’Elysée malgré le verdict des urnes. Un verdict qui, selon l’auteur l’avait annoncé perdant et dont le résultat semble avoir été contre toute vraisemblance inversé malhonnêtement aux dires de Michel Bonnecorse, le conseiller Afrique de Jacques Chirac.
Les coulisses des accords de paix tenus à Paris y sont dévoilées. Accords auxquels Laurent Gbagbo a du s’y rendre en avion de ligne craignant que son avion présidentiel ne soit abattu en plein vol. On y découvre un Laurent Gbagbo apprenant à travers le journal « Le Monde », les propositions de sortie de crise qui allaient lui être soumises quelques minutes plus tard par un Dominique de Villepin, mi Foccart-mi Chirac. Relatant notamment l’insistance avec laquelle M. De Villepin voulait lui forcer la main afin qu’il désigne Mme Henriette Dagri Diabaté (secrétaire général du RDR, le parti d’Alassane Ouattara) comme 1er ministre à l’issue des accords de Linas-Marcoussis.
Le livre revient sur les dessous des bombardements de Bouaké à la suite desquels toute la flotte aérienne ivoirienne fut détruite par l’armée française dont le camp de base à Bouaké fut « accidentellement » ciblé.
D’après l’auteur, pour Laurent Gbagbo, il y’avait un dessein politique inavouable derrière cette « bavure organisée », de faire chuter son régime. En pointant d’un doigt accusateur son ex-chef d’état major des armées le Général Doué Mathias. L’ironie de l’histoire, ce général conduisait l’opération militaire contre les rebelles basés à Bouaké. S’agissant du 1er tour de l’élection présidentielle, Il affirme que le président Bédié aurait monnayer sa place qualificative de 2ème et c’est pour cette raison qu’il n’a pas déposé de contestations devant la fraude de 600 000 voix dont il s’est dit plus tard victime au 1er tour de l’élection présidentielle.
Dans son œuvre, l’auteur revient à 2 reprises dans le détail sur les promotions à de hauts postes militaires accordées à l’ensemble des ex-chefs de guerre, dès l’avènement d’Alassane Ouattara à la magistrature suprême.
Il y dénonce aussi le rôle joué par la CPI qu’il qualifie de « Cour Africaine ». En effet sur les 8 enquêtes actuelles que comptent la CPI, 8 ne concerneraient que des dirigeants de pays africains exclusivement. Autant dire du 100% africain. Le reste du monde peut dormir tranquille, la justice internationale ne s’intéresse qu’aux Africains. Une justice internationale à géométrie variable. « Une justice internationale faible avec les forts et fortes avec les faibles » dira l’auteur.
Ce livre met en exergue le déséquilibre des moyens mis en œuvre pour parvenir à la manifestation de la vérité dans le procès Gbagbo. Un procureur disposant d’un budget de plus de 28 millions € face à un avocat de la défense, Me Altit Emmanuel ne disposant que de 76 milles € de frais d’enquête. Un avocat qui malgré de maigres moyens, a réussi avec brio et talent à réduire à néant les prétendues preuves contenues dans le « DCC » (Document contenant les charges) du procureur, Fatou Bensouda. En démontre par exemple la vidéo utilisée par le procureur, censée illustrer les atrocités commises par le camp Gbagbo à Abidjan qui en réalité n’était qu’une vidéo tournée en 2009 au Kenya. La defense de Gbagbo faisant remarquer les expressions en « Swahili » formulées par les individus au cours de la séquence vidéo.
Enfin l’auteur n’hésite pas à dénoncer ces écrivains se targuant d’avoir obtenu des entretiens avec Laurent Gbagbo bien que ce dernier dément les avoir rencontrés. En parlant « d’onanisme journalistique » faisait-il référence au bouillant journaliste franco-camerounais Charles Onana ?
Pour l’heure, bien que Laurent Gbagbo soit toujours maintenu en attente de son procès, l’auteur garde un très bon espoir quant à l’issue favorable du procès, quand bien même des pressions internationales tendraient à vouloir le faire condamner.
Django Percy