Les nuances de noires

Alors que nous venons de célébrer la Journée Internationale de la Femme, il convient de soulever quelques questionnements sur la femme africaine dans cet ensemble. Entre revendication de sa beauté, de sa vénusté d’une part. Quête identitaire, et objet d’anathème d’autre part. Il semble qu’elle n’ait pas encore trouvé sa voie; celle qui lui permettra de s’exprimer à son plein potentiel, celle-là même qui lui permettra d’être admiré ou condamné sur d’autres critères que son taux de mélanine ou le types de chevelure qu’elle arbore. Black is beautiful, Nappy, cheveux indiens, Beyoncé, Lupita Nyong’o… nous sommes constamment dans l’opposition d’un canon de beauté à l’autre. Un paradigme venant renversé l’autre, instaurant alors un diktat de beauté au sein même de la communauté noir et africaine, elle-même coiffé par l’imposition d’un canon de beauté universel par les médias. Comme si la définition de la beauté était un jeu a somme nul, où l’affirmation d’un type de beauté venait immédiatement annihiler l’autre.

« Goodbye to pigmentation and spot forever »

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Slogan d’une nouvelle crème non pas éclaircissante, mais absolument blanchissante créer par Dencia, une « pop star » camerouno-nigériane. Promettant à ses utilisatrices bien plus qu’un simple hale dorée, mais l’absence totale de mélanine et un teint porcelaine. Stupéfiant ! Comme si l’entièreté du corps était une tâche à gommer.

Aucune surprise alors lorsqu’on met la main sur les statistiques de l’Organisation mondiale de la Santé parut en 2013. Celle-ci révèle des chiffres alarmant : 77% des femmes nigérianes se blanchissent la peau, soit 8/10 de la population féminine, ce qui les place en tête de liste. Mais également 59% des femmes togolaises et 27% des Sénégalaises. 20% des revenus des ménages sénégalais part vers la dépigmentation artificielle et/ou est alloués aux traitements médicaux dû aux effets négatifs de ceux-ci. Toujours selon les études, en 2015, le marché du blanchiment de la peau s’élèverait à 10 milliards de dollars !

Par ailleurs, un nouveau phénomène vient obscurcir davantage l’état des choses ; quand même nous pensions avoir touché le fond. En effet, nous constatons avec un grand désarroi que le blanchissement de la peau touche dès lors des franches de la population jusque-là épargnée : les enfants. Cette pratique ineffable devrait alarmer nos représentant politique et inciter à une action de sensibilisation immédiate; mais il semble que nos autorités reste de marbre face à ce phénomène qui gagne exponentiellement du terrain.

« Femme noire, femme nue. Vêtue de ta couleur qui est vie et ta forme qui est beauté »

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En l’absence d’un volontarisme politique, la société civile tente de s’organiser sur l’ensemble du territoire africain. C’est le cas d’une part du mouvement « Nuul kukk », signifiant tout noir en Wolof. Celui-ci a pour mission de contrer la propagande publicitaire de gamme éclaircissante placarder dans les rues de Dakar, mais que nous retrouvons également dans les rues d’Abidjan ou de Lagos. Ce contre-mouvement au « Khess Petch » (toute blanche en Wolof) promettant à ses utilisatrices de devenir claire en 15 jours, n’a pas pour objectif de mettre à l’écart les femmes noires naturellement plus claire, mais plutôt l’acceptation des différentes teintes de noires.

Célébrer cette beauté, et l’affirmer sous toutes ses formes et coutures, c’est également la mission que s’est donnée Taofick Okoya, entrepreneur nigérian. Son objectif, ajouter à la beauté un nouveau parangon, celui des beautés multiples de l’Afrique grâce à des barbies africaines accessibles au grand public. Cette vocation sociale d’Okoya vient également des multiples questionnement de sa propre fille, qui paradoxalement portait en admiration et aux rangs d’héroine des personnages de couleur blanche. Cela fait écho à l’attristante et inénarrable expérience des poupées réalisée par le couple Clark en 1939, et répétée par la jeune Kiri Davis en 2005. Alors que cette dernière questionnait un garçon, voici un extrait de l’échange :

« K.D : Can you show me the doll that is the nice doll.

(le garçon choisi la poupée blanche)

K.D :Why is she the nice?

Garçon : She is white »

Dans une Afrique en perte de repère, il est indubitable que nous devons lutter farouchement contre l’aversion et l’exécration que nous avons à notre endroit, à l’instar de Taofick Okoya. Cet auto-racisme paralysant et aliénant, bien qu’il soit le résidu du colonialisme, est perpétué et renforcé par notre volonté propre.

Sources:

http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAWEB20140122105546/

http://africasacountry.com/delicious-skin-lightener/

http://www.queensofafrica.com/?page_id=81

http://www.economist.com/blogs/baobab/2012/09/beauty-nigeria

http://www.academia.edu/602086/Skin_Bleaching_and_Global_White_Supremacy_By_Way_of_Introduction

 

Marlyatou Dosso

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