Héritage de la colonisation et d’une lutte syndicale franco-européenne appropriée, le 1er mai est marqué dans les calendriers de l’Afrique francophone comme la fête du travail. La « fête du travail » vous dites ?
Pourtant, la grosse majorité, environ 80%*, des travailleurs sont issus du secteur informel, restant ainsi en marge des règlementations et lois nationales et internationales. Dans cette zone géographique, le secteur informel est pourtant porteur. Créateur d’emploi, source d’innovation, d’inventivité ou « système D », de créations, il transforme en profondeur les sociétés.
Vendeuses de fruits et légumes, artisans de meubles, menuisiers, femmes de ménages, petites bonnes, paysans et enfants travaillant dans les plantations. En ce 1er Mai, n’avez-vous pas croisé au bord des rues des quartiers huppés ces ébénistes travaillant le bois et le rotin ? Ou encore les mécaniciens, tout de suie couverts, recyclant les pièces détachées de véhicules appelés « France au revoir » ? Ces véhicules, rejetés de l’Occident à destination du continent noir, crachant leurs nuages de fumée noirs dans nos métropoles de plus en plus assombries par la pollution.
Il y aussi ces femmes aux abords des bâtiments et dans les marchés de jours et/ou de nuits, vendant le fruit de leur dur labeur, mangues, bananes, avocats, papayes, arachides, poissons. Un labeur qui suppose un réveil pré-auroral, quand il fait encore noir, de nouer son enfant au dos et de se rendre aux lieux d’approvisionnements, la bassine en équilibre sur la tête, tantôt à pieds tantôt par un circuit de transport en commun bien plus complexe que celui des métropoles occidentales.
Ces mêmes femmes, dont les maigres recettes permettent à leur famille de survivre et qui doivent compétir contre des géants comme Carrefour qui débarquent en force dans les mégalopoles africaines et offrent à moindre coût ces mêmes fruits, légumes et condiments locaux. Ces femmes prisent dans le carcan du patriarcat, qui sont à la fois mère, épouse et entrepreneure. Car oui, même dans l’informel, il faut reconnaître à ces dernières le statut d’« entrepreneure », qui n’est pas le privilège de cette poignée de personnes en costards et tailleurs employant des mots barbares.
Le saviez-vous ? 40% des travaux agricoles sont entrepris par des femmes, mais elles produisent 80% des denrées alimentaires dans les ménages. Elles sont PRODUCTIVES. 63% des microcrédits en Afrique Subsaharienne sont octroyés aux femmes. Elles sont BATTANTES. Enfin, les africaines sont propriétaires d’un tiers des entreprises du continents – en Côte d’Ivoire c’est plus de 60% des entreprises qui sont dirigées par des femmes et au Nigeria, il y a plus de femmes entrepreneurEs que d’hommes. Elles sont LEADERS.
Enfin, ces jeunes enfants travaillant la terre, le cacao, le café et divers matières, achetés à vil prix puis transformés par des multinationales en produits de consommations et vendus sur les étales réfrigérées pour d’autres enfants mieux nantis. Ceux-là personnes n’en parlent. On les invisibilise. Mais ils nous disent une chose : le besoin criant de main-d’œuvre. Et pourtant, selon une récente étude de la BM, les jeunes représentent 60 % des chômeurs en Afrique.
Alors, en ce réveil démotivé post-journée du travail, il convient de se questionner sur les moyens à mettre en œuvre pour permettre à ces travailleurs, véritable force motrice de nos sociétés, de jouir d’un cadre d’emploi stable et digne. Plusieurs pistes de solutions peuvent être évoquées, mais il convient de rappeler aux États de prévoir des dispositions précises et inaliénable concernant le travail des enfants, les inégalités du travail sexospécifique, et le chômage des jeunes. Sans des politiques particulières pour ces groupes, la journée du travail en Afrique restera pure chimère élitiste.
*incluant le secteur agricole