La femme et le cinéma: Bal poussière, une oeuvre féministe

Choisir Bal Poussière pour aborder la Journée internationale de la femme c’est célébrer deux choses: Le 7e art en Afrique et l’émancipation des femmes. Dans le contexte africain, le cinéma est encore utilisé pour sa fonction révolutionnaire et sociale, comme un médium dénonciateur. Bal Poussière en est un exemple puisqu’il aborde de front les questions liées au poids des cultures et religions sur la vie des femmes et leurs conséquences sur leur subordination vis à vis des hommes. Avant-gardiste, révolutionnaire, comique, sensuel et léger, ce film de 1988 reste d’actualité. Effrayant lorsqu’on constate que 27 années se sont écoulées au cours desquelles l’Afrique a amorcée son développement économique, sa démocratisation, son urbanisation mais où la condition des femmes reste malheureusement très précaire.

Demi Dieu, le personnage principal, polygame et arrogant représente le patriarche par excellence, qui se prend une 6e femme, plus jeune et plus belle que les autres pour confirmer sa virilité aux yeux de cette société qui admire tant sa richesse et son pouvoir. D’ailleurs richesse, pouvoir et femmes sont très souvent associés puisque seul les plus forts et fortunés peuvent se procurer un harem de femme de tous les goûts. Chaque nuit de la semaine est consacrée à une épouse, et le 7e jour, jour du Seigneur est pour le repos de Demi Dieu. Ah Demi Dieu! Envié de tous les « mâles ». Film qui démontre que le sexe est une catégorie sociale de laquelle découle deux conditions: l’homme est dominant et tout puissant, la femme est dominée et condamnée à la soumission.

 

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Ce film est une œuvre fondamentalement féministe pour plusieurs raisons. La première a attrait a sa manière d’aborder la sexualité des femmes. La 6e femme de Demi Dieu, Binta jeune, éduquée, émancipée et rebelle affirme son indépendance vis à vis de son éducation. Elle se réapproprie son corps en assumant sa sexualité et refuse d’être réduite à sa fonction biologique (de mère) et sociale (d’épouse). La violence domestique qui en découle est abordée par la fameuse scène du « belote rebelote ». Tout en ironisant le jeu de pouvoir qui s’installe entre Binta et son mari, cette scène met en exergue le rôle stéréotypé des sexes où la femme est dépossédée de pouvoir dans la sexualité du couple. La jeune fille affirme la possession exclusive de son corps et se heurte a une violence de la part de son mari.

La seconde raison est la représentation des femmes à l’écran et les scènes de nues qui ont choquées le public a l’époque tellement elles sont osées et inhabituelles dans le cinéma ivoirien. Le film participe ainsi a la désacralisation du corps de la femme, qui peut s’afficher nue sans pour autant jeter l’opprobre sur la famille et la descendance. La réussite du film réside précisément dans le fait d’avoir pu intégrer la nudité sans tomber dans la vulgarité. Il bouleverse les stéréotypes liés au corps et fonction de la femme dans la société rurale et traditionnelle. Le dévoilement des seins de l’actrice principale dissocie cet organe de sa fonction biologique d’allaitement et de maternité mais également de sa fonction sexuelle. Ces scènes de nues banalisent les organes dits intimes pour les rendre tout aussi divulgable que toutes les autres parties du corps.

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La troisième raison est la dénonciation de la dépendance économique que subissent les femmes notamment celles issues de milieux sociaux défavorisés et vivant en zone rurale. Le décalage qui existe entre Binta et ses co-épouses est flagrant: son niveau d’éducation lui donne les moyens d’une part de refuser les abus de son mari et d’autre part de quitter cette relation sans pour autant compromettre son avenir. Les autres, complètement désarmées sont enfermées dans un couple abusif sans possibilité de sortie. D’ailleurs la violence économique est maintenant reconnue comme une forme de violence domestique.

La lutte contre les discriminations faites aux femmes est un processus long et ardu qui nécessite un changement de mentalité, des modifications dans l’éducation, et la transformation en profondeur des structures institutionnelles, sociales, culturelles et religieuses. Les violences à l’égard des femmes prennent de multiples formes: violence domestique, violence de rue, viols massif en temps de conflits armés, grosses forcées, mariages forcés, mutilations génitales féminines, agressions physique et sexuels, harcèlement et j’en passe. L’art doit continuer a briser les tabous, dénoncer ces violences et accompagner la société dans les transformations sociales notamment celles visant à libérer les femmes du joug social et culturel.

Aissatou Dosso

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