Discours du 4 août 1984 de Thomas Sankara

Ce discours du 4 octobre 1984, intemporel et visionnaire. Comme si les problématiques, les enjeux et les défis qui y étaient abordés par Sankara s’étaient cristallisés dans le temps. Les mots prononcés il y a maintenant 30 ans, donnerons naissance a une légende africaine que la jeunesse d’aujourd’hui s’efforce a garder en vie. Avec justesse et intelligence, le ton grave, les mots précis, l’air digne, Sankara s’adressait a la trente-neuvième session de l’assemblée générale des nations-unis. Un discours qui aborde de front, sans timidité ni complexe aucun, tous les sujets sensibles du moment. Engagés contre toutes formes d’impérialisme, de néo-colonialisme, de racisme et d’inégalité, Thomas Sankara n’en manque pas une: de la condition des indiens/autochtones et premières nations, à la situation des chômeurs, des femmes, la question palestinienne et le trafic d’armes. En somme, l’homme intègre, le jeune révolutionnaire dit tout haut les maux des «sans voix».

Thomas sankara s’est inscrit dans l’histoire contemporaine de l’Afrique et constitue l’un des personnage les plus marquants du XXe siècle. Retour sur les grandes lignes du discours qui a marqué l’acte fondateur du mythe Sankara

Vision de l’homme

Après une succession de coups d’État dont l’issue le porte au pouvoir, Thomas sankara accède à la magistrature suprême de la Haute Volta qu’il renomme Burkina Faso. Ses quatre années au pouvoir ont marquées une rupture complète avec le modèle d’organisation politique que connaissait le pays et la région. L’idéal marxiste que portait le général se voulait être une alternative au modèle politique imposé par la colonisation. Cette administration héritée de la France, en niant les spécificités culturelles, historiques et économique de l’Afrique, n’apporte pas de solutions adéquate aux problèmes structurelles que connait l’Afrique subsaharienne. Plus encore, c’est dans cette déformation et aliénation de l’africain dans son histoire que se trouve le problème. Dès lors, une véritable révolution est mise en marche par ce dernier. Une révolution a tous les niveaux de la société, avec une volonté claire de réaffirmer la dignité des africains et des peuples opprimés par l’entremise d’actions concrètes. Refusant de se subordonner aux aides internationale qui contribuent à la domination des pays les plus riches tout en maintenant les pays africains dans la dépendance, il met en place une kyrielle de mesures visant a assurer l’auto-suffisance de son peuple.

(…)des changements profonds de la situation sociale et politique, susceptibles de nous arracher à la domination et à l’exploitation étrangères qui livrent nos Etats à la seule perspective de la faillite.»

Au delà de prêcher de belles paroles, Sankara était le premier a incarner ce changement, d’un régime élitiste et corrompu à un pouvoir humaniste et populaire. S’alignant sur le mode de vie moyen des burkinabés, il refusa la climatisation dans son bureau et réduit les biens auxquels il avait droit en tant que président au minimum nécessaire. Ainsi, les archives indiquent qu’il avait en sa possession une voiture, quatre vélos, un réfrigérateur et un congélateur. Loin du matériel et du luxe qui endort les consciences et transforme progressivement l’homme du peuple en bourgeois repu, Sankara montre un nouveau visage du pouvoir. Il montre surtout que le volontarisme politique est à la base du développement et qu’une véritable émancipation de l’Afrique est possible.

Il faut proclamer qu’il ne peut y avoir de salut pour nos peuples que si nous tournons radicalement le dos à tous les modèles que tous les charlatans de même acabit ont essayé de nous vendre vingt années durant. Il ne saurait y avoir pour nous de salut en dehors de ce refus là. Pas de développement en dehors de cette rupture.

Le discours légendaire

Nous encourageons l’aide qui nous aide a nous passer de l’aide

Un discours qui devrait être enseigné dans les livres d’histoire africaine tant il est poignant de vérité et d’espoir pour plusieurs générations encore. Il faut dire que le jeune Sankara n’y va pas de main morte pour accuser la communauté internationale, en son siège même, de son inaction dans le théâtre de violence qui prend place partout dans le monde. Cette même communauté internationale découvre ainsi avec consternation et colère le jeune président d’un pays insignifiant.

La veille de ce jour, Thomas Sankara annonçait déjà les couleurs de son discours lorsqu’il rencontrait la communauté africaine et afro-américaine a Harlem. Avec une maitrise des deux langes, français et anglais, le président burkinabé soulève les passions et emeut la foule. Après avoir annoncer que tout président africain devrait passer par Harlem car «Notre maison blanche se trouve dans le harlem noir – My white house is in the black harlem», il dénonce l’hypocrisie des politiques américains qui utilisent la communauté afro-américaine comme du bétail électoral.

Au cours de son discours, long, sans pauses, sans hésitations, Sankara aborde de nombreuses questions. Nous avons choisis d’aborder quelques unes.

  1. Les modèle de développement sui generis

C’est le droit des peuples a choisir leurs propres voies vers le développement qui entraine Sankara a considérer de nouvelles techniques, de nouvelles démarches, inspirées du mode de vie des burkinabés. Cette démarche est particulièrement remarquable dans une Afrique moderne où les schémas de développement sont imposés par un ordre économique fondamentalement inégalitaire. Le refus de se soumettre au diktat des institutions financière internationale ainsi qu’aux grandes puissances entraine (pousse le leader burkinabe) Sankara a imposer une certaine austérité économique en vue de mener à bien les nombreux travaux mise en place sur l’ensemble du territoire (grande réforme agraire, reboisement, grands travaux d’infrastructure, logements sociaux, campagne de vaccination). Une vaste campagne d’incitation à la consommation locale est mise en place «Produisons, consommons burkinabé». Partout au pays, les fonctionnaires sont encouragés a porter ce qu’on appel le «Faso Dan Fani» l’habit traditionnel burkinabé deux fois par semaines ainsi que lors des cérémonies officielles. En plus de favoriser la consommation de coton, matière première par excellence du pays, cette mesure vise a promouvoir la culture locale face à l’occidentalisation des sociétés africaines. Le développement économique passe aussi et surtout par la réappropriation par les burkinabés de leur culture et de leur histoire.

Toutes les factions de la population sont appelés a participer à cette grande révolution. Les hommes et les femmes sont donc incités de manière égale a écrire le développement de leur patrie. Au fur et à mesure que la révolution avance, Sankara s’attire des ennemis. Habitués à leur privilèges, la bourgeoisie ainsi que l’élite du pays font progressivement savoir leur mécontentement face aux limitations des biens et aux redistributions des terres. Au niveau externe, les anciens partenaires de l’ancienne Haute Volta, non content des revirements stratégiques et économiques du pays.

  1. La question des femmes dans la société

Une des grandes lignes du discours avant-gardiste du Général porte sur la situation des femmes dans leurs sociétés d’appartenance. Sankara se présente comme un féministe assumé. Il défend le droit des femmes dans une société fondamentalement patriarcale. Dénonçant le système d’exploitation qui assure la domination des hommes sur les femmes, il s’insurge contre toutes formes de discrimination et de violences dont elles font l’objet. Il appel les femmes a revendiquer leurs droits et a organiser une lutte féministe qui transcende les frontières raciales, ethniques ou religieuses. Il prend un ensemble de mesure pour retirer les prostitués d’un milieu précaire et dangeureux en proposant des formations et des reconversions vers d’autre métiers qui respectent leur dignité et leur intégrité. «Nous luttons contre la prostitution mais nous protégeons la prostituée comme étant une victime de la société.»

L’émancipation de la femme burkinabé constituait une véritable préoccupation pour le gouvernement Sankara. De la lutte contre les mutilations génitales à l’insertion des femmes dans le marché du travail, Sankara ne se limitait pas a une simple reconnaissance de l’égalité des sexes. Il cherchait a éliminer toutes les discriminations et les violations qu’elles subissent en amont qui les empêchent de jouir effectivement de cette apparente égalité. Le dernier rapport de l’Unicef cite le Burkina Faso comme l’un des pays où la pratique des mutilations génitales féminines à le plus reculé. C’est certainement un travail de longue haleine, amorcée notamment par le Général, à travers de vastes campagne de sensibilisation, de scolarisation etc.

Seule la lutte libère et nous en appelons à toutes nos sœurs de toutes les races pour qu’elles montent à l’assaut pour la conquête de leurs droits.»

Dans un monde encore bipolarisé, où la guerre froide bat des ailes, Sankara semble porter les revendications d’une troisième voie, celle des non alignés. Celle de ceux qui s’engagent a faire reconnaître leurs droits sur la scène internationale. Celle de ceux qui cherchent a prendre place avec dignité dans l’histoire contemporaine. La révolution de Thomas Sankara avait comme but ultime de retirer le peuple burkinabé (ainsi que l’ensemble des «peuples opprimés») de l’état de servitude et d’oppression dans lequel les maintient l’ordre économique actuel.

Impossible de ne pas percevoir la clairvoyance du discours et l’actualité des faits abordés. Le parallélisme est parfait avec la situation du monde aujourd’hui, 30 années plus tard. Aux problèmes abordés par Sankara s’ajoutent la progression du terrorisme en Afrique, la dette des pays africains, l’actualité sur Ebola.

En assassinant Sankara, l’expérience révolutionnaire la plus prometteuse du continent perd son maitre a penser. Sans successeur direct, l’idéologie Sankaratiste se diffuse à travers le monde en suscitant toujours autant admiration et passion chez la jeunesse. Des paroles et des actions prometteuses auxquelles il est pertinent de se réferer, encore aujourd’hui.

Merci Camarades.

 Aissatou Dosso

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